Le tribunal administratif de Nice a tranché en faveur de l'enseigne Grand Frais dans le conflit qui l'opposait à la mairie de Vallauris Golfe-Juan. La justice a ordonné au maire de délivrer un permis de construire pour la régularisation du nouveau magasin, mettant ainsi un terme à un litige de plusieurs années.
Cette décision, assortie d'une astreinte financière, oblige la commune à autoriser la poursuite d'un projet commercial majeur sur son territoire, malgré une opposition persistante.
Les points clés de l'affaire
- Le tribunal administratif de Nice a enjoint la mairie de Vallauris de délivrer un permis de construire à Grand Frais.
- La commune est soumise à une astreinte de 1 000 euros par jour de retard si elle ne s'exécute pas dans les 15 jours.
- Le conflit a débuté en 2021 suite au dépôt d'une demande de permis pour un nouveau magasin.
- Un concurrent, propriétaire des murs d'un hypermarché E. Leclerc voisin, avait initialement contesté le projet en justice.
- Le litige portait sur une non-conformité mineure des façades avec le Plan Local d'Urbanisme (PLU).
Un bras de fer judiciaire de longue date
L'affaire trouve son origine en février 2021, lorsque l'enseigne de distribution alimentaire Grand Frais a déposé une demande de permis de construire. Le projet concernait un nouvel "immeuble commercial" avec un parking souterrain de deux niveaux, situé au 2038 chemin de Saint-Bernard, dans une zone d'activités au nord de la ville.
Le parcours administratif du projet a été semé d'embûches. Après un premier refus, le maire de Vallauris Golfe-Juan, Kévin Luciano, avait finalement accordé son autorisation. Cependant, cette décision a été immédiatement contestée devant le tribunal administratif.
L'intervention d'un concurrent majeur
La contestation n'est pas venue de n'importe où. Elle a été initiée par le propriétaire du terrain d'un commerce de véhicules d'occasion situé juste en face du futur Grand Frais. Plus significativement, la société civile immobilière (SCI) Val Murs, propriétaire des murs de l'hypermarché E. Leclerc implanté à seulement 400 mètres, s'est jointe à la requête.
Cette SCI est dirigée par la même personne qui gère le magasin E. Leclerc, ce qui souligne la dimension concurrentielle de cette opposition. Les requérants mettaient notamment en avant l'impact potentiel du nouveau supermarché sur la circulation locale.
Contexte concurrentiel dans la distribution
L'implantation de nouvelles grandes surfaces est souvent un sujet sensible. Les concurrents déjà établis peuvent utiliser des recours juridiques, notamment sur des questions d'urbanisme ou d'environnement, pour retarder ou bloquer l'arrivée de nouveaux acteurs sur leur zone de chalandise. Ces batailles juridiques peuvent durer plusieurs années.
Les arguments examinés par le tribunal
Les juges ont dû analyser plusieurs arguments soulevés par les opposants au projet. La question du trafic routier a été l'un des points centraux des débats.
Le trafic routier, un argument écarté
Les opposants au projet craignaient une saturation du carrefour giratoire desservant la zone. Cependant, le tribunal a jugé que le supermarché n'entraînerait pas "directement un trafic supplémentaire" significatif.
Une étude de trafic fournie par Grand Frais a été prise en compte. Elle estimait entre 150 et 200 entrées et sorties de véhicules par heure aux moments de pointe. Selon cette étude, une part importante de ces véhicules circulerait déjà dans le secteur, soit sur le trajet domicile-travail, soit pour d'autres courses. L'argument a donc été écarté.
L'architecture et l'intégration paysagère
Le design du bâtiment, décrit comme une "version contemporaine" d'une "halle du XIXe siècle", a également été discuté. Cette architecture est une signature de l'enseigne Grand Frais. Bien que les teintes proposées ne suivaient pas strictement les préconisations du Plan Local d'Urbanisme (PLU), le tribunal a estimé que la délivrance initiale du permis par le maire valait acceptation de ces choix esthétiques.
Un seul vice de forme retenu
Finalement, un seul point de non-conformité a été retenu par les juges : les façades du futur magasin, présentant un "aspect métallique", n'étaient pas conformes au PLU de Vallauris. C'est ce "vice" qui a nécessité une procédure de régularisation.
L'ultimatum de la justice face à l'inaction
Suite à la décision initiale du tribunal identifiant le problème des façades, la société portant le projet, GFDI 45, avait cinq mois pour déposer un permis de construire de régularisation. Cependant, la mairie n'a pas donné suite à cette demande, laissant le projet dans une impasse juridique.
Le 2 septembre 2025, l'avocat de Grand Frais a de nouveau saisi la justice en référé (procédure d'urgence), alertant sur les conséquences de cette inaction.
"Cela conduira à l’arrêt du chantier actuellement en cours, et aura d’importantes conséquences sur la pérennité des travaux d’ores et déjà exécutés", a souligné l'avocat de l'enseigne.
De son côté, la mairie a répliqué que les conséquences financières n'étaient "pas démontrées" et a réaffirmé son opposition au projet en raison de son "caractère massif" qui, selon elle, ne s'intègre pas dans son environnement.
La décision finale du juge des référés
Dans une ordonnance datée du 26 septembre 2025, le juge des référés a balayé les arguments de la commune. Il a rappelé que le projet s'insère dans une "zone industrielle et commerciale [...] dénuée de toute qualité architecturale", rendant l'argument de la mauvaise intégration peu pertinent.
Le juge a donc pris une décision ferme :
- Injonction au maire de délivrer le permis de régularisation.
- Un délai de quinze jours pour exécuter la décision.
- Une astreinte de 1 000 € par jour de retard au-delà de ce délai.
En plus de cette sanction, la commune de Vallauris Golfe-Juan a été condamnée à verser 1 500 € à Grand Frais au titre des frais de justice. Cette décision met un point final, sur le plan juridique, à un feuilleton qui a duré près de cinq ans, ouvrant la voie à la finalisation du magasin.